Le diagnostic de performance énergétique (DPE) est un document qui évalue la performance d’un logement en termes de consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre. Il se matérialise par une étiquette de couleur allant de A (vert, logement très performant) à G (rouge, logement très énergivore). À partir du 1er janvier 2026, le mode de calcul du DPE va évoluer pour prendre en compte la moindre empreinte carbone de l’électricité en France. Un arrêté officiel a en effet acté un nouveau coefficient de calcul en faveur du chauffage électrique, sans que cela ne nécessite de travaux dans les logements concernés.
Plan de l'article
Cette mise à jour réglementaire du DPE vise à mieux refléter la réalité du mix énergétique français. Concrètement, elle devrait améliorer la classe énergie de nombreux logements chauffés à l’électricité, tout en ne pénalisant aucun logement. Il s’agit d’un changement technique dans la méthode de calcul : la consommation réelle et les factures des foyers resteront inchangées, mais l’étiquette attribuée à certains logements pourra s’améliorer d’un niveau. Tour d’horizon de ce qui change et des implications pour les propriétaires et locataires.
Qu’est-ce que le DPE et comment est-il calculé ?
Le DPE est l’indicateur de référence pour connaître la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment. Il est obligatoire lors de la vente ou de la mise en location d’un bien immobilier en France métropolitaine, et reste valable pendant 10 ans. Deux volets sont pris en compte : une étiquette énergie (de A à G) basée sur la consommation d’énergie primaire, et une étiquette climat (GES) basée sur les émissions de CO2. C’est l’étiquette la plus défavorable des deux qui définit la classe finale du logement. Par exemple, un appartement très bien isolé mais chauffé au fioul pourra avoir une bonne note en consommation, mais une mauvaise note en émissions de CO2, ce qui donnera in fine une mauvaise classe DPE.
L’énergie primaire correspond à l’énergie nécessaire en amont pour fournir 1 kWh d’énergie finale au domicile. Ainsi, pour l’électricité, il faut compter l’énergie dépensée à la centrale et les pertes en ligne lors du transport. En France, jusqu’à présent, on considérait qu’il fallait 2,3 kWh d’énergie primaire pour délivrer 1 kWh d’électricité au consommateur. En revanche, pour le gaz, le fioul ou le bois, aucun processus de transformation majeur n’est nécessaire : 1 kWh d’énergie primaire correspond donc à 1 kWh final dans ces cas.
Le DPE traduit ces données en une consommation d’énergie standardisée, exprimée en kWh/m² par an, et en une quantité de CO2 en kg/m². Sur l’étiquette énergie actuelle, la classe A correspond aux logements consommant très peu (moins de 70 kWh/m²/an environ) tandis que la classe G regroupe ceux dépassant 420 kWh/m²/an. Les logements classés F ou G sont souvent appelés “passoires énergétiques” en raison de leurs médiocres performances. Des mesures légales visent d’ailleurs à éliminer progressivement ces passoires : depuis 2025, les logements classés G sont interdits à la location, et les classes F puis E le seront respectivement en 2028 et 2034. C’est dans ce contexte exigeant que s’inscrit la réforme du DPE prévue début 2026.
Pourquoi faire évoluer le DPE en 2026 ?
Le gouvernement a décidé de modifier le calcul du DPE afin de mieux prendre en compte la faible empreinte carbone de l’électricité en France. Actuellement, un logement chauffé à l’électricité peut être pénalisé dans son étiquette énergie à cause du coefficient d’énergie primaire élevé (2,3) appliqué à l’électricité, et ce même si son impact en CO2 est plus faible qu’un logement chauffé au gaz ou au fioul. La France produit en effet une électricité largement décarbonée grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables, ce qui justifie de réévaluer ce facteur de conversion.
Au niveau européen, la réglementation autorise chaque pays à définir son coefficient d’énergie primaire pour l’électricité ou à adopter la valeur par défaut européenne. Cette valeur de référence est fixée à 1,9. La France avait historiquement son propre coefficient national (initialement 2,58, puis abaissé à 2,3 en 2021). En 2025, les pouvoirs publics ont choisi d’aligner le calcul sur le standard européen de 1,9 pour l’électricité. L’objectif affiché est double : mieux refléter la réalité du bouquet énergétique français (dont la production électrique émet peu de CO2) et concentrer les efforts de rénovation sur les logements les plus polluants en gaz à effet de serre, c’est-à-dire ceux chauffés aux énergies fossiles.
Cette évolution du DPE s’inscrit également dans la stratégie de promotion du chauffage électrique performant, notamment via les pompes à chaleur. En réduisant le “handicap” du coefficient élevé, le gouvernement entend envoyer un signal en faveur de l’électrification des usages du chauffage.
Il estime que corriger ce qu’il considère comme une inégalité de traitement encouragera le remplacement des chaudières au gaz ou au fioul par des systèmes électriques plus vertueux. La réforme de 2026 est donc avant tout motivée par des considérations écologiques et économiques, sans pour autant relâcher la lutte contre les passoires thermiques les plus émettrices de CO2.
Baisse du coefficient de l’électricité : ce qui change au 1er janvier 2026
La mesure phare qui entrera en vigueur début 2026 est la diminution du coefficient de conversion de l’électricité dans le calcul du DPE. Concrètement, le coefficient passera de 2,3 à 1,9. Autrement dit, au lieu de compter 2,3 kWh d’énergie primaire pour chaque kWh électrique consommé, on n’en comptera plus que 1,9. Pour les autres énergies, rien ne change : le gaz naturel, le fioul domestique ou le bois conserveront un coefficient de 1 (1 kWh primaire = 1 kWh final). L’arrêté correspondant a été publié fin août 2025, confirmant cette modification applicable au 1er janvier 2026.
Cette révision peut sembler purement technique, mais ses effets sont mesurables. Prenons un exemple simple : un logement tout électrique consommant 100 kWh/m² d’énergie finale était crédité de 230 kWh/m² en énergie primaire avec l’ancien calcul, et se voyait classé en conséquence.
Après la réforme, ce même logement n’affichera plus que 190 kWh/m² en énergie primaire, ce qui améliore d’autant son indicateur. Le seuil entre la classe D et la classe E du DPE se situant autour de 250 kWh/m², un logement électrique qui frôlait la limite de la classe E pourrait ainsi repasser en classe D uniquement grâce à ce nouveau calcul, sans aucune modification de son isolation ni de son chauffage.
Le tableau ci-dessous compare les coefficients d’énergie primaire avant et après la réforme pour les principales sources d’énergie :
Source d’énergie | Coefficient avant 2026 | Coefficient en 2026 |
---|---|---|
Électricité | 2,3 | 1,9 |
Gaz naturel | 1 | 1 |
Fioul (mazout) | 1 | 1 |
Bois (biomasse) | 1 | 1 |
Comme on le voit, seule l’électricité bénéficie d’un nouveau coefficient plus favorable. Tous les diagnostics de performance énergétique (ou audits énergétiques) réalisés à partir du 1er janvier 2026 intégreront automatiquement ce coefficient de 1,9. Pour les DPE établis avant cette date, les valeurs calculées avec l’ancien coefficient restent valables, mais une mise à jour sera possible (voir plus loin). Il est important de noter qu’aucune modification n’est apportée aux seuils des classes ni à la façon de calculer les besoins énergétiques d’un logement : seul le facteur de conversion de l’électricité change.
Les principaux changements apportés par la réforme du DPE 2026 :
- Le coefficient d’énergie primaire de l’électricité passe de 2,3 à 1,9, aligné sur la valeur européenne par défaut.
- Aucune modification des coefficients pour le gaz, le fioul ou le bois (facteur 1 inchangé).
- La consommation d’énergie primaire calculée des logements utilisant l’électricité va baisser mécaniquement (sans changement de consommation réelle).
- Beaucoup de logements chauffés à l’électricité pourront gagner une classe DPE (une amélioration maximale d’un échelon sur l’échelle A–G, rarement deux pour de très petites surfaces).
- Aucun logement ne verra sa note se dégrader : la réforme n’entraîne aucune baisse de classe DPE pour qui que ce soit.
Quels impacts pour les logements électriques ?
La baisse du coefficient électrique aura des répercussions surtout pour les habitations qui se chauffent ou se fournissent en eau chaude à l’électricité. Pour tous les logements qui utilisent l’électricité, même partiellement, la consommation d’énergie primaire affichée sur le DPE diminuera légèrement (puisque l’éclairage et les appareils auxiliaires consomment de l’électricité dans chaque logement). L’effet sera d’autant plus marqué que le chauffage et l’eau chaude sont électriques. Ainsi, les appartements équipés de radiateurs électriques, de chauffe-eau électriques ou de pompes à chaleur verront leur indice d’énergie primaire baisser significativement sur le rapport DPE.
Si cette baisse fait franchir un seuil de classe, l’étiquette énergie du logement s’améliorera d’un grade. Par exemple, un logement précédemment en limite de la classe E pourra passer en classe D. Dans certains cas rares concernant de petits logements, un gain de deux classes est envisageable. Cependant, l’étiquette globale du DPE ne changera pas forcément si c’est l’étiquette climat (CO2) qui était le point faible. Pour un logement intégralement électrique, l’étiquette climat est généralement très bonne (faibles émissions de CO2), l’énergie primaire était le facteur limitant : ces logements profiteront donc pleinement de la réforme. En revanche, un logement chauffé au gaz ne bénéficiera pas de changement notable, car son étiquette énergie et son étiquette GES restent identiques (le gaz garde un coefficient 1 et son empreinte carbone demeure plus élevée que l’électricité).
Surtout, aucune habitation ne sera pénalisée par cette évolution. Un logement qui était classé D ou C restera au même niveau s’il n’est pas concerné par l’électricité, et ne sera pas rétrogradé. Le ministère a confirmé qu’aucun logement ne verrait son étiquette se dégrader après le 1er janvier 2026. Au pire, certains logements conserveront la même classe qu’avant. Toutefois, même pour ceux-là, le nouveau calcul facilitera de futures améliorations : la consommation d’énergie à atteindre pour basculer dans la classe supérieure sera un peu plus accessible, ce qui donnera plus de poids aux travaux d’économie d’énergie (isolation, systèmes performants) entrepris après 2026.
Passoires énergétiques : 850 000 logements reclassés
Un des effets les plus significatifs concerne les fameuses passoires énergétiques (classes F et G). En France, on estime qu’il y a actuellement environ 5,8 millions de logements classés F ou G sur l’ensemble du parc immobilier. Le recalcul du DPE en 2026 fera sortir environ 850 000 logements de ce statut de passoire thermique. Autrement dit, près de 15 % des habitations les plus mal classées verront leur note s’améliorer juste assez pour ne plus figurer en F ou G, principalement grâce à la revalorisation de l’électricité.
Ces centaines de milliers de logements, pour la plupart chauffés à l’électricité, pourraient passer en classe E (voire D dans certains cas) alors qu’ils étaient précédemment en F ou G. Par exemple, des appartements anciens équipés de convecteurs électriques qui figuraient en bas de l’échelle F pourraient remonter en haut de l’échelle E. On estime également qu’environ 50 000 logements initialement classés G pourraient passer en classe F, ce qui a une conséquence réglementaire non négligeable : ces logements ne seront plus considérés comme interdits à la location en 2025, puisqu’ils ne seront plus en classe G. Ils redeviendront donc provisoirement éligibles à la location (la classe F restant autorisée jusqu’en 2028). Pour les propriétaires bailleurs de ces biens, c’est un soulagement car ils gagnent du temps pour planifier des travaux. Pour les locataires en place, cela évite de devoir quitter un logement devenu illégal à la location du seul fait de l’ancienne étiquette.
Cette “requalification” des passoires énergétiques sans rénovation effective suscite cependant le débat. Les associations de consommateurs critiquent une évolution jugée « arbitraire », estimant qu’elle affaiblit le dispositif du DPE mis en place pour accélérer la rénovation des logements énergivores. En améliorant administrativement la note de certains logements, on réduit la pression sur les propriétaires pour effectuer des travaux, ce qui pourrait prolonger la situation de précarité énergétique des ménages occupants. Autrement dit, les passoires restent des passoires d’un point de vue de la consommation réelle et du confort thermique, mais elles disparaissent partiellement des statistiques et des contraintes légales grâce à un simple changement de calcul.
Mise à jour des DPE existants : une attestation gratuite
Les propriétaires disposant déjà d’un diagnostic de performance énergétique n’ont pas l’obligation de le refaire immédiatement. Tous les DPE réalisés avant 2026 (avec le coefficient 2,3) restent officiellement valables jusqu’à leur échéance normale de 10 ans. En revanche, il leur sera possible de mettre à jour gratuitement leur DPE pour bénéficier de la nouvelle étiquette. Concrètement, à partir du 1er janvier 2026, une plateforme en ligne de l’ADEME (Agence de la transition écologique) permettra de télécharger une attestation officielle indiquant la classe corrigée du logement.
Pour obtenir cette attestation de nouvelle étiquette, le propriétaire n’aura qu’à renseigner le numéro de son DPE actuel (inscrit sur le rapport). Le système recalculera automatiquement la consommation d’énergie primaire avec le coefficient 1,9 et délivrera le nouveau classement énergétique. Aucune visite d’un diagnostiqueur n’est nécessaire, et le document est fourni sans frais. L’attestation ainsi générée aura la même valeur légale que l’ancien DPE, dont elle reprend la validité restant (pas de prolongation de durée, elle expire à la même date que le DPE initial). Elle pourra être utilisée lors des ventes ou locations pour justifier de la nouvelle classe du logement.
Un simulateur en ligne sera également mis à disposition avant même l’entrée en vigueur de la réforme, afin que les propriétaires puissent estimer l’effet du nouveau calcul sur la note de leur logement. Ainsi, dès fin 2025, chacun pourra vérifier si son bien passera potentiellement dans une meilleure catégorie.
À noter que le même dispositif d’attestation vaudra aussi pour les audits énergétiques (plus complets qu’un DPE simple) réalisés avant 2026 : ils pourront eux aussi être corrigés sur demande, notamment pour les dossiers d’aides à la rénovation énergétique (comme MaPrimeRénov’) déposés à partir de 2026.
Réactions des acteurs du secteur
Cette réforme du DPE 2026 a suscité des réactions contrastées parmi les différents acteurs. Du côté des pouvoirs publics et de nombreux professionnels de l’immobilier, l’accueil est favorable. Le gouvernement présente la mesure comme un « signal fort en faveur de l’électrification des logements » et une incitation indirecte à moderniser les systèmes de chauffage. En facilitant le maintien dans le parc locatif de logements initialement voués à en sortir (les fameux G de 2025), la réforme offre selon eux une souplesse bienvenue. Les fédérations de l’immobilier soulignent que cela évite de retirer brusquement du marché des milliers de logements loués, tout en orientant prioritairement les efforts sur les biens les plus polluants (ceux encore chauffés au gaz, au fioul ou mal isolés).
En parallèle, les professionnels de la rénovation énergétique voient d’un bon œil toute mesure favorisant l’électricité, puisque cela peut encourager l’adoption de pompes à chaleur, de chauffe-eaux thermodynamiques ou d’autres équipements électriques performants. Ces solutions, souvent aidées financièrement par l’État, permettent de réduire à la fois la consommation énergétique et les émissions de CO2 des logements. Avec le coefficient 1,9, l’installation d’une pompe à chaleur aura un impact encore plus positif sur la note DPE d’une maison anciennement chauffée au fioul ou au gaz, amplifiant le gain en classe après travaux. La réforme pourrait donc stimuler certaines rénovations ciblées, en particulier le remplacement des vieilles chaudières fossiles.
Cependant, les associations de défense des consommateurs et certains experts de la transition énergétique se montrent plus réservés. Ils reprochent à la mesure de « verdir » sur le papier des logements qui restent énergivores dans les faits. D’après eux, abaisser le seuil ne réduit ni la dépense énergétique des ménages ni leurs factures, et risque de ralentir la dynamique de rénovation thermique. En effet, un propriétaire dont le bien sort du statut de passoire grâce au nouveau DPE pourrait être moins incité à réaliser des travaux coûteux, au moins à court terme. Ces observateurs craignent donc un effet pervers : une amélioration statistique sans gain concret en confort pour les habitants, et un possible report des travaux pourtant nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques de long terme.
Quoi qu’il en soit, la refonte du DPE en 2026 marque une étape importante dans la politique énergétique du logement. Elle ajuste un outil-clé de mesure pour mieux coller à la réalité d’un pays où l’électricité est moins carbonée que par le passé. Reste à observer si cette adaptation technique se traduira par une accélération de la transition énergétique sur le terrain, ou si des ajustements supplémentaires seront nécessaires pour conjuguer efficacité énergétique, pouvoir d’achat des ménages et lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, sans compromission.