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A Frustration, on n’a pas envie de ressembler à cet ami énervant qui dirait “je te l’avais bien dit” quand une situation foireuse nous mène à une issue de merde. Il n’empêche que face au gouvernement qui dégaine son 49-3 pour “passer en force”, comme on dit, une loi que deux tiers des gens rejettent en bloc, qui a provoqué des records historiques de nombre de manifestants, qui n’a été vendue que par des accumulation de mensonges… on a un peu envie de dire que le 49-3 n’était qu’une issue logique et attendue. Et ce message s’adresse tout particulièrement aux dirigeants syndicaux qui ont sagement aligné leur calendrier de mobilisation sur la discussion parlementaire, qui ont publiquement déploré que le “débat sur l’article 7” (l’âge de départ à la retraite repoussé) n’ait pas eu lieu à l’Assemblée Nationale. Ce faisant, ils  ont circonscrit l’espace de lutte à des institutions pourtant acquises au macronisme sans imaginer d’autres manières de faire pression sur l’exécutif. Ils ont ainsi exigé d’être reçus par le président qui leur a mis un énorme vent, avant de décréter, dans leur dernier communiqué, qu’ils suspendaient la mobilisation au résultat du vote à l’Assemblée.

Nos vies, il s’en balance. Le cri du cœur de Brahim Sidibé, chauffeur éboueur, pour qui cette réforme est une “réforme d’assassin”, n’atteindra jamais Macron, l’homme qui avait décrété, il y a quelques années, qu’il n’aimait pas le mot de pénibilité au travail. Sur cette base, il n’y a rien à discuter, négocier ou “dialoguer” avec ce sale type.

Nos institutions républicaines sont pourries. Elles possèdent en elles trop d’éléments qui permettent de contourner la démocratie, sur le plan réglementaire, à tel point que sont souvent confondues les notions de légalité et de légitimité. Et sur le plan social, elles permettent à des gens qui ne les subiront pas d’imposer des mesures à d’autres qu’ils ne croiseront jamais. Un sénateur, qui touche en moyenne 3800€ de retraite, peut, dans ce régime délirant, décider qu’un éboueur travaillera plus longtemps. Une députée ex-DRH ou ex-PDG peut décider qu’une aide-soignante attendra plus longtemps pour pouvoir se reposer. Et ça s’appelle “l’intérêt général” figurez-vous. Mais avant tout, tous ces “représentants” de la Nation ne servent globalement à rien, dans un régime présidentiel où, tous les 5 ans, nous élisons un homme qui a tous les pouvoirs, y compris celui de contourner les playmobils qui lui servent de majorité quand il les sent trop rouillés.

Ce despote élu est Emmanuel Macron. C’est un personnage complètement imbu de lui-même et imprégné des idéaux et des intérêts de la classe sociale qu’il représente. Nos vies, il s’en balance. Le cri du cœur de Brahim Sidibé, chauffeur éboueur, pour qui cette réforme est une “réforme d’assassin”, n’atteindra jamais Macron, l’homme qui avait décrété, il y a quelques années, qu’il n’aimait pas le mot de pénibilité au travail. Sur cette base, il n’y a rien à discuter, négocier ou “dialoguer” avec ce sale type.

Nous voici donc sortis de la séquence “bons élèves”, où syndicats et opposants à la réforme ont cru ou feint de croire que nos chères institutions allaient finir par se ranger à la raison ou à l’intérêt de la majorité des gens. Admettons, chers dirigeants syndicaux, c’était un coup à tenter. Sur un malentendu, ça aurait pu marcher. Maintenant que le 49-3 est dégainé, fin de la blague, la vraie confrontation commence.

Rennes, jeudi matin

Nous voici donc sortis de la séquence “bons élèves”, où syndicats et opposants à la réforme ont cru ou feint de croire que nos chères institutions allaient finir par se ranger à la raison ou à l’intérêt de la majorité des gens. Admettons, chers dirigeants syndicaux, c’était un coup à tenter. Sur un malentendu, ça aurait pu marcher. Maintenant que le 49-3 est dégainé, fin de la blague, la vraie confrontation commence.

Et c’est clairement l’humeur du moment, où un parfum de gilet jaune, celui du blocage et des actions coup de poing, se faisait sentir aujourd’hui. Car pendant que les journalistes et les bureaucrates s’agitaient autour de l’Assemblée Nationale pour se demander, à tout hasard, si un macroniste allait se ranger du côté du peuple, si un ministre allait fondre en larmes devant l’horreur de son acte, si un gars de droite allait se réveiller pro-ouvrier, des travailleurs et des citoyens bloquaient l’intégralité des accès à la ville de Rennes, la coupant du reste du monde. Dans le même temps, à Bordeaux, des coupures de courant volontaires affectaient les entreprises Thalès, Sogerma et l’aéroport de Mérignac. À Nantes comme dans le reste du pays, des blocages de transport en commun se multipliaient. Ce n’est pas la grève générale, mais cela ressemble de plus en plus au mouvement des gilets jaunes. Car ce qui est sûr, c’est que tous ces gens n’avaient pas l’air d’attendre quoi que ce soit du gouvernement et du Parlement.

Lâchons donc nos vieux rêves républicains. Le gouvernement ne bougera pas d’un pouce face à des quémandeurs, des supplications larmoyantes de bons élèves, car c’est sa crédibilité face à la classe dominante qu’il sert qui se joue là. Or, celle-ci n’a pour l’instant pas d’autre carte à jouer que son foutu Macron qui nous fait tant de mal. C’en est fini des pseudos débats parlementaires, de l’espoir d’être “entendu” en manifestant toujours plus nombreux. Par ce 49-3, le gouvernement nous inflige un énorme crachat à la figure. Son message : “vous avez supplié pour être écouté ? Et bien voilà votre récompense, bande de tocards”. 

Et nous, quelle sera notre réponse ?


La rédaction


Image d’en tête : blocage de la rocade de Bordeaux, jeudi matin. Photo par la radio la Clef des Ondes