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Invité de la matinale de France Inter la semaine dernière, ce professeur de la Sorbonne se félicitait en direct de la “robustesse” du régime face à 20 week-ends de manifestations. Contrairement au gouvernement algérien, la bourgeoisie française tient bon face aux manifestants, et ça fait bander cet intello de cour qui a passé sa carrière a théoriser la nécessité du libéralisme et d’un gouvernement qui se passe de l’avis du peuple : comme tout universitaire qui se respecte, il a ensuite fait son petit laïus contre le principe du référendum, dangereux parce que créant des débats glissants, contrairement à la démocratie représentative qui permet à des gens comme lui d’avoir le monopole de la glisse et de la lèche.

Pierre-Henri, qui a un prénom à jouer dans “Les Visiteurs”, estime qu’il faut réapprendre à obéir, et a publié pour dire cela un dernier petit traité de lèche-boulisme envers les élites, tout bonnement intitulé “Comment gouverner un peuple-roi ?”. L’idée, la même qu’ont tous les intellos comme lui, c’est de dire qu’il y aurait une “crise de la démocratie représentative”, qu’il faut “redonner confiance en nos élites”, en activant la brosse à reluire et en dégainant son plus beau ton pédant de “philosophe” : et n’oublions pas qu’être “philosophe” dans nos médias n’engage absolument à rien : deux têtes de listes aux européennes prétendent l’être et prononcent un nombre incalculable de conneries, l’un homophobe l’autre eurobéat. Mais il y a une façon de dire de la merde élitiste qui fait de vous un philosophe, plus que si vous dites simplement de la merde élitiste… Vous voyez ?

Pierre-Henri rappelle donc avec ses jolis mots qu’il faut obéir aux agents de police, aux banquiers, et à un président qui est un peu les deux à la fois, et se permet même cette petite remarque ô combien remarquablement stupide :

Bien sûr qu’on est en démocratie, ne serait-ce que parce que je peux venir sur la matinale d’une radio publique et dire du mal du président, uh uh uh.

Pardon ? Quand est-ce que tu as dit du mal du président Pierre-Henri, on n’a pas bien suivi ? Comme tous les autres garants de la “démocratie représentative” et de la “liberté d’expression” sur les radios de ce pays, Pierre-Henri est venu faire un petit S.A.V un poil critique (le coquin), relevant que “peut-être”, “sur la forme”, “on pourrait penser que”, “le président Macron a manqué de tact”, “de pédagogie”, “il a pu choquer”, “il veut aller trop vite”, “il faut expliquer aux français”.… Quelle irrévérence, mon dieu ! Et quelle audace de la part de France inter d’oser inviter tous les Pierre-Henri de la terre, avec leurs mots si critiques et acerbes sur le bilan du président ! Où va-t-on ! Marie-Louise, cachez l’argenterie !

Pour Pierre-Henri, nous sommes donc en démocratie parce que quelqu’un comme lui peut parler librement. Attendez, parce qu’une dictature ne permet pas l’expression d’intellos de salon et de cour ? Combien de “philosophes”, d’artistes et autres grandes âmes ont papillonné autour des tyrans de cette terre en théorisant le fait que ça ne posait aucun problème ? Des tas ! Pas plus que l’existence d’un “grand débat” dont les participants ne maîtrisent les moindres termes la parole critique d’un universitaire n’est le signe de l’existence d’une démocratie.

Les gens comme Pierre-Henri sont recrutés parmi nos élites, payés par nos élites et salués par nos élites précisément pour venir colmater les brèches symboliques du système, noyer la complaisance et l’injustice sous un flot de parole bien tournées et suffisamment abstraites pour faire “Sorbonne”. Et ces gens ne sont compétents pour parler “démocratie” ou “dictature” que quand celles-ci se situent dans un passé lointain, et encore : ils sont en fait experts dans l’art d’en travestir les causes et les vecteurs, racontant à tue tête que les régimes autoritaires sont arrivés par la volonté du peuple et non à cause de la peur des riches.

On peut vous affirmer que pour ce qui est de reconnaître une démocratie ou une dictature, une fiscalité juste ou injuste, n’importe quel Smicard jaune sur un rond-point est plus qualifié que les Pierre-Henri et les Charles-Eudes des Sorbonne et des Science Po, et c’est précisément pour ça qu’eux ne sont pas invités pour dire du “mal” ou du bien du président. Ce serait autrement plus vrai et décapant que les petits pas de danse de ce roi de la courbette.