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Le saviez-vous, vos « primes d’assurance », ces redevances annuelles pour votre voiture ou votre habitation, sont investies sur les marchés financiers ? Et notamment dans la « finance verte » que le président Macron met à l’honneur : ces marchés vont contribuer au progrès écologique et au respect de l’accord de Paris… Mais bien sûr. Il y aurait de quoi sourire si l’avenir de la planète n’était pas en jeu. Il y a plutôt de quoi rire jaune.

Extrait de « Quand vos primes d’assurances financent l’Oligarchie », rubrique « Que font-ils de votre argent ? », Frustration numéro 10.

Une assurance, on en a tous une, certaines sont obligatoires, d’autres facultatives, mais que font les assureurs de toutes ces primes récoltées ? Car il s’agit d’une véritable manne, chiffrée environ à 200 milliards d’euros de recettes par an en France et un magot en stock évalué à plus de 2 231 milliards d’euros en 2015. Pour donner un ordre d’idée, les caisses des assureurs contiennent plus que toute la France ne produit en un an : notre PIB (produit intérieur brut) atteignait 2 122 milliards d’euros en 2015.

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La grande hypocrisie de l’investissement responsable

 

L’ « investissement responsable », voilà la nouvelle découverte des financiers pour redorer leur blason depuis la crise et attirer le chaland. Dans la dernière étude de Novethic, branche de la Caisse des dépôts spécialisée dans l’économie responsable, on apprend qu’il y aurait désormais 746 milliards d’euros investis en suivant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (« ESG »), dont 465 milliards venant des assurances[1]. Mais alors, nos primes serviraient à financer des projets durables, responsables, peut-être même de l’économie coopérative ? Pas vraiment. En y regardant de plus près, la grande majorité de ces investissements est une fois de plus sur le marché obligataire, chasse gardée des grands groupes. Investir selon des critères ESG, ça veut surtout dire bannir quelques secteurs que le grand public n’aime pas, comme l’armement, le tabac, le charbon, etc. Rien de plus que de la communication, du marketing, bref du vent. Les financiers ont même créé de nouvelles obligations baptisées « green bonds » ou « obligations vertes », pour satisfaire la demande des investisseurs, dont les assureurs, voulant créer de nouvelles poches d’investissement « responsable » pour attirer de nouveaux clients. Là encore on n’est pas déçu. Les encours de ces obligations seraient alloués au financement de projets ayant un bénéfice environnemental, voire social. Seulement voilà, les green bonds sont émis par des grands groupes, comme Engie, EDF, des banques comme le Crédit agricole, et même récemment par l’État français, ravi de participer à cette belle initiative des marchés, orchestrée sous les auspices de Michel Sapin et Ségolène Royal. Admettons que cet argent serve à financer des projets durables : hélas, les standards sont faibles et il n’existe pas réellement de suivi sur ce type de projet. Même le très respecté journal financier anglo-saxon le Financial Times[2] parle de risque de « green washing » ou « éco-blanchiment ». La finance et nos assureurs n’assureront donc pas notre transition énergétique et encore moins un modèle de financement plus équitable. D’autant plus que ces obligations vertes ne représentent qu’environ 100 milliards d’euros, une goutte d’eau dans l’océan de dette de plusieurs trilliards.

 

La frustration est immense de constater que nos primes d’assurance financent en réalité des oligopoles de grands groupes, de grands banquiers et d’États. Ce système attire des rapaces attaquant les laissés pour compte : les États en difficulté, les TPE/PME, enfin, les travailleurs. Les agences, véritables cerbères du système, se dirigent aveuglément à la lumière néo-libérale de la rigueur. Indirectement, nos primes d’assurance nous imposent donc les politiques d’austérité que nous subissons. Plus de marché, contrairement à ce que disent ces charognards, c’est plus de concentration, plus de grands groupes, de grandes banques et moins de concurrence. C’est aussi des États dominés et fébriles, à genoux devant les financiers. C’est enfin, bien évidemment, l’enrichissement des élites au détriment des peuples qui souffrent en silence et avancent à marche forcée.

[1] Voir l’étude « Les chiffres de l’investissement responsable », de Novethic, mai 2016.

[2] Sophia Grene, « The Dark Side of Green Bonds », Financial Times, juin 2015.