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Sujet de préoccupation majeur des individus de tout genre et de tout âge, la sexualité fait pourtant l’objet des analyses et conseils les plus navrants dans notre monde médiatique. D’abord, le discours sur le sexe est encore imprégné d’un sexisme et d’un virilisme assez insupportables, les magazines féminins faisant souvent porter la responsabilité sur la femme (sommée de prendre soin d’elle, de son poids, de ses « dessous sexy »), les publications « pour les hommes » étant quant à elles cruellement dépourvues de réflexion en la matière (à l’exception notable de GQ où la chroniqueuse Maïa Mazaurette tient une bonne rubrique sexo).

D’une façon générale, la sexualité est toujours traitée comme un sujet à part, déconnectée du reste de notre vie, tout juste affectée par des paramètres extérieurs flous comme « la fatigue » ou « le stress ». La conclusion la plus souvent émise est que c’est de votre faute : que ce soit vos kilos en trop, votre hypersensibilité ou votre fameux « manque de confiance en vous », c’est vous qui êtes responsables de vos soucis, de vos frustrations, de vos anxiétés. C’est faire abstraction de tous les éléments de contexte, de tout ce que la société a d’influence sur le niveau et l’expression de notre désir, de tout ce qui heurte, dans notre monde capitaliste, la possibilité d’avoir la vie sexuelle que l’on aimerait.

Seuls les réactionnaires ont l’habitude de faire le lien entre sexualité et société, avec un certain succès. C’est l’essayiste Éric Zemmour qui a lancé le mouvement en 2006, en publiant Le Premier Sexe (100 000 exemplaires vendus), une longue complainte sur la féminisation des hommes et sur leur incapacité (à cause des féministes) à assumer ce qu’ils sont. Avec un impact dramatique sur la sexualité des hommes, car le respect qu’ils sont maintenant obligés d’accorder aux femmes (on est pourtant douze ans avant l’affaire Weinstein) est un « tue-désir de masse ». L’homme idéal étant maintenant l’homme gay, ce sont les « jeunes arabes » qui sont les derniers hommes virils du pays et qui risquent, en gros, de prendre la place des blancs auprès de leurs douces. Tremblez, hommes blancs.

Zemmour a inspiré toute une génération de youtubeurs aux gros bras comme Alain Soral, Papacito, Le Raptor Dissident, qui expliquent que c’est en réaffirmant sa virilité face à une société de tapettes et de femmelettes que l’on deviendra le mâle alpha et séducteur que l’on rêve d’être. Avec un succès certain, notamment auprès de la jeunesse, masculine évidemment. Soral a ajouté à l’ensemble la touche « rouge-brune », qui consiste à dire que cette perte de virilité est alimentée et voulue par les partisans du néolibéralisme, qui s’assurent ainsi de leur domination sur nos destinées.

Plus récemment, c’est Élisabeth Lévy, rédactrice en chef du journal Causeur, qui a l’habitude d’expliquer que le féminisme et la lutte contre les agressions sexuelles tuent le désir : rien de tel que la domination masculine pour prendre son pied, selon elle. Une analyse que ne renieraient pas Eugénie Bastié, égérie de la droite catholique depuis les débats autour du mariage homosexuel, et Natacha Polony, qui saluait en 2006 l’ouvrage de Zemmour et a publié deux ans plus tard L’Homme est l’avenir de la femme où, en parlant de son fils, elle déclame : « Et en puisant dans la mémoire aujourd’hui délaissée de l’Occident, en s’en retournant aux racines d’une civilisation qui, peut-être plus qu’aucune autre, même si c’est bien imparfaitement, a su marier féminin et masculin, il découvrira que les vertus chevaleresques portées par nos vieux récits sont ce qu’il a de plus grand et de plus respectueux à offrir aux femmes. »

Le point commun entre ces essayistes très médiatiques c’est donc bien l’instrumentalisation décomplexée des contrariétés sexuelles des gens pour alimenter des pseudo-théories visant à fonder empiriquement les idéaux anti-égalitaristes et réactionnaires.

Aux forces de l’égalité et de l’émancipation de se plonger à leur tour dans la lutte !

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