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“Vous êtes dans l’idéologie” n’a cessé de répéter le ministre des finances à son contradicteur, Olivier Besancenot. C‘était hier soir dans “L’émission politique” sur France 2. L’objectif pour lui était de se présenter a contrario comme un “pragmatique”, neutre et objectif, qui pense efficacité avant de penser idéaux. Pourtant, pour faire coller les faits avec la théorie politique qu’il essayait – en vain – de nous vendre, il a aligné mensonges directs et par omission. Morceaux choisis :

Mensonge n°1 – “Non, nous n’allons pas privatiser la SNCF” :

Le projet de loi visant à prendre par ordonnances des mesures “pour un nouveau pacte ferroviaire” ne contient pas, en effet, le mot “privatisation”. Mais il vise le changement de statut de la SNCF, d’établissement public (appartenant à l’Etat et dédié exclusivement au service public) en société au capital ouvert. L’objectif est d’attirer des investisseurs extérieurs, et le gouvernement prétend que l’Etat gardera des “parts incessibles” et restera actionnaire majoritaire. C’est aussi ce qui avait été promis en 2004 lorsque le capital de GDF a été ouvert à la concurrence. Deux ans plus tard, l’ex-entreprise publique fusionnait avec Suez, et l’Etat devenait actionnaire minoritaire.

Mensonge n°2 – “Le statut des cheminots doit disparaître pour permettre à la SNCF de faire face à la concurrence” :

Non non, il suffit de faire en sorte qu’une convention collective des travailleurs du rail soit créée, afin que toutes les entreprises arrivant dans ce domaine soient contraintes d’appliquer les normes conventionnelles en vigueur. Cette convention collective pourra reprendre à son compte les normes du statut de cheminot, qui ne sont pas des “privilèges” mais de justes compensations d’emplois contraignants et souvent mal payés. Mais le gouvernement ne veut pas seulement la concurrence, il veut dérouler le tapis rouge aux entreprises privées qui arriveront sur le marché du rail français, et leur offrir une main d’oeuvre peu contraignante, aux normes alignées sur un Code du travail démoli en septembre dernier est un beau cadeau de bienvenue !

Mensonge n°3 – “Nous avons donné autant de milliards aux riches que nous allons en redistribuer aux Français sous forme de suppression de taxe d’habitation” :

De base c’est faux, car dans son calcul le ministre n’incluait pas la très généreuse “flat tax” qui aligne toutes les taxes sur le capital à 30%, mais en plus, là ou 3 milliards ont servi à défiscaliser les quelques milliers de riches qui payaient l’ISF, 3 milliards de réduction de taxes d’habitation seront répartis… entre les dizaines de millions de Français ! individuellement, ce gouvernement donne donc bien plus aux riches qu’il ne donne aux autres !

Mensonge n°4 – “L’ISF était un impôt stupide qui a fait partir les riches” :

L’intox préférée des militants bourgeois, indigne d’un ministre des finances qui connaît les chiffres. Les assujetis à l’ISF qui partaient à l’étranger ces dernières années représentaient moins de 0.2% par an de l’ensemble de ces riches contribuables, et on n’a jamais observé de corrélation entre baisse de l’ISF et retour de ces gens là, ni même eu la certitude que leur motif d’expatriation était d’ordre fiscal. C’est un préjugé complet, bien répandu, qui sert à justifier de leur faire de gros cadeaux pour qu’ils restent, alors qu’ils seraient restés de toute façon. Là encore, ce qui est décrit comme une nécessité est un choix politique, favoriser les riches parce qu’on les préfère. un choix bel et bien “idéologique”, n’en déplaise à Darmanin.

Les définitions de “l’idéologie” ont été produites notamment par Karl Jaspers et Karl Marx. Pour le premier, l’idéologie est “une  interprétation du monde ou de sa propre situation, qui lui représente la vérité absolue, mais sous la forme d’une illusion par quoi il se justifie, se dissimule, se dérobe d’une façon ou d’une autre, mais pour son avantage immédiat”, ce que Marx a précisé comme une représentation déformée en faveur des intérêts d’une classe dominante. Au sens strict, Gérald Darmanin est donc un parfait idéologue de la bourgeoisie, cette classe au pouvoir qui prend ses désirs sociaux pour des réalités scientifiques.

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