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Le lendemain de la désignation du candidat du parti au pouvoir pour les prochaines élections, le journal Libération affichait son visage en Une, accompagné de la sentence : “Une gauche de gauche”. Le quotidien restant pour beaucoup, malgré son appartenance au groupe SFR Presse du milliardaire Patrick Drahi, la référence en terme de délivrance de ce label de “gauche”, nombre de nos concitoyens en ont déduit que le Parti socialiste était redevenu fidèle à son passé social. Finies les trahisons de Hollande, le libéralisme économique de Valls, l’autoritarisme et la répression de Cazeneuve durant le printemps 2016. Oubliés les gaz lacrymogènes contre la CGT et les matraquages de lycéens : le PS a non seulement un candidat  de gauche, mais d’une “gauche de gauche”. Qu’en est-il vraiment ? A-t-on de bonnes raisons de croire que Benoît Hamon sera ce candidat rêvé, ni “gauche de droite” (trop Valls), ni “gauche radicale” (trop Mélenchon) ?

Les grands éditorialistes étaient devenus tellement fanatiques de Manuel Valls et de son inflexion “réaliste” en faveur d’une politique libérale et autoritaire que l’arrivée de Benoît Hamon les a mis très en colère. Durant toute la primaire ils n’ont eu de cesse de le décrire comme un homme au programme “utopique”, qu’ils opposaient au “pragmatisme” de Valls (pour ces gens, “pragmatique” veut dire libéral). Dans des propos rapportés par nos confrères d’Acrimed, un éditorialiste d’Europe 1, radio du groupe Lagardère, décrivait leur opposition en ces termes : “c’est bien de la fracture entre une gauche réaliste et visionnaire d’un côté, et une vision idéaliste et égalitaire de l’autre”. Puisque tout le monde savait que la “gauche réaliste visionnaire” correspondait en fait à la politique de droite menée depuis trois ans par Valls, on comprend bien que les votants à la primaire aient été tentés par le côté “idéaliste et égalitaire” de Hamon. Or, si par contraste avec le PS Vallsiste le personnage a pu sembler particulièrement rafraîchissant, force est de constater que la lecture de son programme ne fait pas particulièrement rêver si on le compare à un précédent que nous avons en travers de la gorge : celui de Hollande en 2012.

Hollande en 2012, “vraiment à gauche”

En 2012 aussi, les commentateurs avaient salué un programme jugé ambitieux en matière de justice sociale. Libération l’avait bien entendu validé en accompagnant en Une le visage du futur chef de l’Etat avec le titre: “de gauche”. Sous-entendu : pas besoin d’aller voir ailleurs, tout est là. Pour devoir le préciser cependant, la chose ne devait pas aller de soi et trahissait ce besoin de valider pour soi-même l’attribution “de gauche” – alors que nul n’aurait idée de titrer sur Fillon “de droite” ou sur Le Pen “d’extrême-droite”. On sait aujourd’hui que la méthode auto-suggestive de Libération n’aura pas donné des résultats très brillants… Oui mais cette fois-ci est sans doute la bonne, car Hamon est “de gauche de gauche”, soit davantage de gauche que son prédécesseur ! Cap à bâbord ! Qu’en est-il réellement ?

On trouve des tas de choses séduisantes dans le programme de Hamon, comme mettre “une dose de proportionnelle” dans les élections législatives, reconnaître le vote blanc ou encore un “49.3 citoyen” qui permettrait à des gens d’avoir une incidence sur la proposition ou le vote d’une loi. Bref, ça ne mange pas de pain comme on dit. D’autres points consistent essentiellement à réparer les dégâts commis par le gouvernement dont Hamon fut un temps ministre : abroger la loi travail, par exemple, passe pour une mesure particulièrement “de gauche”, même si Hamon n’aurait pas eu besoin de le proposer s’il avait voté la motion de censure déposée par l’opposition au moment du passage en force de la loi. D’autres mesures sont carrément anecdotiques et ne parlent qu’aux cadres et professions intellectuelles qui, il est vrai, ont constitué la plus grande part des votants à la primaire de la “Belle Alliance populaire” qui n’avait de populaire que le nom. Par exemple, le droit à la déconnexion (pourtant déjà présent dans la loi Travail qu’il se propose d’abroger) qui ne concerne guère les employés et ouvriers, ou encore le revenu universel, qui comme son nom l’indique, est versé aux pauvres comme aux classes moyennes ou aux gens aisés.

Le revenu universel, une mesure de gauche ?

Ce revenu universel a été d’ailleurs LA mesure qui faisait du programme de Hamon un programme “très très à gauche”. Depuis, il a renoncé et cette mesure a été transformée en extension du RSA actuel. Mais était-ce de toute façon “de gauche” ? Pas vraiment. D’abord, juger que 700 € par personne c’est le progrès social fait abstraction du fait que cela reste gravement en dessous du seuil de pauvreté. Ensuite, le côté “universel” de la chose pose problème : les revenus de transferts visent en théorie à compenser les inégalités. La plupart sont conditionnés et dépendent des revenus des personnes. En donnant la même chose à tout le monde quelle que soit sa situation, on ne compense rien du tout puisqu’on donne autant aux riches qu’aux pauvres. Rien à voir avec “l’égalitarisme” attribué à Hamon par l’éditorialiste d’Europe 1. Au passage, il est toujours amusant de voir des commentateurs s’effaroucher du danger “égalitariste” à l’annonce de la moindre mesure redistributive quand nous vivons encore dans une société tournée vers la production et la reproduction des inégalités entre les individus, qui classe de l’école jusqu’à l’entreprise selon des critères arbitraires. Ce n’est pas d’égalité que nous souffrons aujourd’hui.

Cela pourrait passer pour une maladresse empreinte de bonnes intentions si ce revenu universel ne présentait pas, dans le programme de Hamon, une compatibilité profonde avec l’ubérisation de la société. “Le travail change”, ne cessait de scander Hamon pendant la primaire. Il voulait dire par là qu’en effet, avec le développement du numérique, de nouvelles formes de travail avaient vu le jour, nettement moins protectrices que les précédentes pour les travailleurs et qu’il fallait faire avec. Pour ça il propose une mesure forte qui est passée plus inaperçue : la “mise en place d’un statut social unique de l’actif” “afin, précise son programme, de dépasser la distinction entre salariat et travail indépendant”. Cela ressemble fort à un mix douteux entre les deux, au détriment du premier que Hamon et ses amis ne cessent de décrire comme “en mutation”. Le revenu universel deviendrait alors dans cette perspective une sorte de filet de sécurité dans cette société nouvelle où nous serions tous à moitié des salariés, à moitié des travailleurs uberisés parce que “la révolution numérique” voudrait ça.


Mot clé : la “révolution numérique”, nouvelle notion prétexte du capitalisme :

L’argument de la “révolution numérique” régulièrement brandi par d’autres candidats – tel le télévangéliste libéral Emmanuel Macron qui en a fait son credo favori – n’est qu’un prétexte pour exiger la dissolution des protections traditionnelles associées au travail salarial. Depuis la machine à vapeur, le progrès technologique substitue de l’automatisation à du travail vivant et payé. La question n’est pas de savoir si les progrès du numérique vont éliminer ou non des segments d’emplois peu qualifiés avec des caisses automatiques dans les supermarchés ou si des systèmes experts de plus en plus performants prendront parfois le relais de pilotes d’avion et de certains médecins. Ils le font déjà et le feront encore davantage demain.

L’enjeu réel se ramène à la redirection des économies réalisées soit l’ensemble des salaires que n’auront plus à payer les propriétaires des entreprises qui s’équipent progressivement de ces technologies de substitution. On sait qu’ils finiront immanquablement engloutis par le capital et n’aideront certainement pas à diminuer le temps de travail (à salaire constant) afin de répartir le volume d’emplois et à revaloriser les salaires des travailleurs restants.

Benoît Hamon propose à cet égard une taxe sur les robots pour rattraper ces gains par l’octroi d’un salaire fictif aux machines sur lesquelles seront prélevées des cotisations. Étrange idée, d’autant que l’automatisation ne se réduit pas au remplacement unité par unité du personnel humain par de la robotique. Que faire des logiciels et des algorithmes qui accélèrent considérablement la productivité d’un employé (toujours payé au même salaire) sans le remplacer intégralement ? Doit-on faire payer des cotisation pour chaque licence de logiciel installée sur un poste de travail ? La taxation des robots représente encore une belle contorsion social-démocrate pour éviter la taxation directe du profit quelle qu’en soit la part due à la robotisation.

Encore une fois donc, les capitalistes et leurs chargés d’affaires laissent planer la menace d’un chômage accru à l’approche de cette irrésistible “révolution numérique” dont ils confisquent les gains pour leur seul profit et en exerçant un chantage à l’emploi pour lequel ils exigent le développement de formes de travail dégradées et encore moins coûteuses. Ils en sortent donc doublement gagnants : moins de travail à payer et du travail à payer moins. Au risque un jour de perdre toute leurs mises au jeu si le rationnement des salaires qu’ils auront causé déprime trop lourdement la demande nécessaire pour écouler leurs marchandises. Retenons d’abord que tous ces topos sur la “révolution numérique” et l’essor de l’économie collaborative” qui “bouleverserait” le monde du travail sont les moyens de légitimer un glissement progressif de l’actif vers le statut généralisé de travailleur indépendant. Le travail “ubérisé” avec sa fausse “indépendance” ne représente en définitive qu’un salariat déguisé mais utilement débarrassé du paiement des cotisations et exempt des contraintes incombant habituellement au patron. Vouloir l’accompagner comme le demande Hamon (toujours ce vocabulaire feutré et tempéré de “l’accompagnement” et la “négociation” qui ignore à son détriment la conflictualité et le rapport de force), c’est se faire l’idiot utile des néolibéraux.


Si on peut juger qu’il y a de la bienveillance politique à vouloir faire en sorte que la mutation vers l’ubérisation soit la plus indolore possible pour les travailleurs, est-ce pour autant “très à gauche” ? Il nous semble que non : historiquement, les gens “très à gauche” ont combattu pour obtenir progressivement un rééquilibrage de la relation entre les salariés et le capital par l’obtention de droits et ont contredit sans cesse les discours fatalistes de type “c’est la crise”, “c’est la mondialisation” ou, plus récemment “c’est le progrès technologique” qui font le beurre du patronat et des actionnaires qui profitent clairement de ces évolutions de la relation de travail vers plus de “souplesse”.

Pas de révolution fiscale pour “faire battre le cœur de la France” 

Enfin, il est frappant de constater qu’alors que Hollande déclarait la guerre à la finance et prônait une “révolution fiscale”, nulle trace de la moindre mesure de redistribution des richesses dans le programme de Hamon. Point de “#Fiscalité” au milieu des multiples hashtags de son site web, et on apprend simplement au détour d’une rubrique qu’il veut instaurer une fiscalité “plus juste” en fusionnant la CSG avec l’impôt sur le revenu, vieille marotte de nombre de candidats. Mais il n’est nullement question de taxer les hauts revenus, mesure amenée puis lâchement retirée par le gouvernement dont Hamon faisait partie et, alors que le Hollande de 2012 voulait limiter les écarts de salaires de 1 à 20 dans une entreprise et encadrer les salaires des patrons du privé, rien de tel chez notre nouveau héraut de la gauche qui se contente juste d’interdire les “rémunérations dépourvues de lien avec l’amélioration des résultats au cours de leur mandat”.

Deux inquiétudes donc : d’une part, Hamon semble plutôt favorable aux évolutions actuelles du capitalisme et souhaite les accompagner par une mutation des statuts et, vraisemblement, une inflexion du CDI (ce qui est défendu par nombre de libéraux), lequel s’accompagnera, comme filet de sécurité, d’un revenu universel (en grande partie vidé de sa substance par le candidat). D’autre part, au sujet d’une question aussi cruciale que la fiscalité dans une période où les inégalités de richesses explosent, il est plus timide que le Hollande de 2012 qui, on le sait maintenant très bien, a mis la majeure partie de ses promesses à la poubelle. Comment attendre d’un candidat encore plus modéré qu’il fasse un président plus radical que François Hollande ? Voici un pari fort risqué !

Sur bien d’autres points, il se contente de répéter les promesses non-tenues de son prédécesseur, comme la renégociation des traités européens ou la mise en place de l’Europe sociale, celle qui aurait un SMIC unique, une fiscalité harmonieuse, droit de vote des étrangers etc., ce qui est évidemment de l’ordre du vœu pieux quand on sait que le salaire minimum en Bulgarie s’élève à 230 €, que le président de la Commission européenne a mis en place d’extraordinaires mesures de dumping fiscal dans son propre pays et que de toute façon, cela fait près de 20 ans que les candidats du PS nous répètent à l’envi que “cette fois-ci”, ils vont la faire (Une vidéo Youtube compile les multiples interventions de dirigeants socialistes qui appellent avec fougue à “l’Europe sociale” et ce depuis au moins vingt ans)

Du candidat des primaires au candidat d’un parti : le nouveau visage du bon vieux PS

Pour tous ceux, intellectuels, journalistes et honnêtes citoyens, qui sont revenus en masse vers le Parti socialiste après la victoire de Hamon aux primaires, ce triomphe devrait entraîner une “corbynisation” de son appareil. Ce terme un peu moche fait référence à la victoire de Jeremy Corbyn aux élections internes du Parti travailliste du Royaume-Uni en septembre 2015 : alors que ce parti avait depuis longtemps tourné la page de la gauche pour mener une politique libérale incarnée par Tony Blair, Corbyn, ce vieux député fidèle à ses convictions socialistes, proche des syndicats et très hostile aux politiques d’austérité, l’a emporté, et ce malgré une intense campagne de dénigrement menée par l’establishment du parti et les grands médias. Une telle chose s’est-elle produite dans le cas d’Hamon ?

Il semblerait que non : d’abord, Hamon n’est pas Corbyn. Clairement pas “outsider” comme lui, Hamon est un pur produit de l’oligarchie du PS. Il a fait la carrière type d’un socialiste, traînant ses guêtres dans le syndicat étudiant UNEF, dont l’unique fonction est de servir de bac à sable aux futurs cadres du parti et de manifester de temps en temps, pour la forme, son opposition aux gouvernements en place, puis au Mouvement des jeunes socialistes (MJS), organisation où les bleus de la politique apprennent l’intrigue, les logiques de courants et le fonctionnement de l’appareil. Bon élève de la politique politicienne, Hamon a tracé sa route, incarnant mollement “l’aile gauche” du parti, un outil qui fut longtemps nécessaire au PS pour contenir la poussée de la gauche radicale (ce système montre d’ailleurs en ce moment toute son efficacité, puisque la victoire de Hamon a permis de marginaliser provisoirement la France Insoumise). Représentant de cette aile gauche, c’est en toute logique qu’il obtient de Hollande, “l’homme de la synthèse”, des ministères, et c’est avec son accord que Manuel Valls devient premier ministre en 2014, les deux hommes ayant passé un “gentlemen agreement”. Rompu à ce genre de manœuvre, Hamon se foutait apparement d’avoir permis l’accès au sommet de l’État à un homme qui ne cachait pas qu’il voulait en finir avec le côté “socialiste” du Parti socialiste. Mais la droitisation entreprise par son collègue a permis à Hamon de prendre du relief dans le jeu politique : devenu “frondeur”, un terme excessif désignant la poignée de députés qui grognaient dans la presse à chaque mesure de droite, mais votaient tous les budgets et toutes les mesures du gouvernement, et, au mieux, s’abstenaient quand ils étaient vraiment très très en colère, Hamon a fait un sans-faute en quittant le navire au bon moment.

On reprend les mêmes et on fait l’inverse ?

Mais, nous direz-vous, ce côté opportuniste et tactique ne servait-il pas une cause supérieure ? Après tout, Hamon a désormais le contrôle du parti, et il peut maintenant en faire ce qu’il veut, c’est-à-dire selon ses supporters, le faire redevenir un parti favorable aux salariés et aux petites gens, comme en 2012… enfin comme en 1997… ou disons, comme en 1981.

C’est sans compter sur l’hypocrisie que constitue intrinsèquement le système des primaires : prétendument fait pour trancher clairement en faveur d’une ligne et “rebattre les cartes”, ce mode de désignation de candidats contient nécessairement une très grande part de compromis à faire après la victoire, car il faut désormais composer avec le parti et éviter qu’il ne se fissure. Puisqu’une poignée de main contrite ne suffit pas, on négocie. Et puis le parti est une si grosse organisation, qui a sa vie et ses logiques nationales et locales propres, qu’on finit par investir tous les gros bonnets aux législatives. Résultat : Hamon va prendre des vallsistes dans son équipe et tous les députés PS sortants sont reconduits pour les prochaines élections, y compris les plus féroces partisans des réformes que Hamon prétend combattre, comme Myriam El Khomri, auteure de la loi qui porte son nom (et que personne ne s’avise de répondre “que ce n’est pas de sa faute, elle ne l’a pas voulu”, dans ce cas elle aurait eu une bonne de dizaine d’occasions de ne pas ouvrir un parapheur).

Et c’est reparti pour un tour ! Le PS de Hamon est l’exact identique du PS de Valls et Hollande : mêmes députés (dont 14 ministres du gouvernement actuel), même ligne politique, à peine gauchisée pour les apparences : le 2 février dernier, les députés PS se sont abstenus sur une proposition communiste visant à organiser un référendum sur le CETA, ce traité de libre-échange avec le Canada que Hamon prétendait combattre pour s’attirer les faveurs des nombreux Français opposés à l’extension infinie du libre-échange.

Candidat différent, même parti. Ce qui signifie que soit le PS dans son intégralité est devenu “très à gauche” pour épouser les idées de son candidat et dans ce cas il faut dès maintenant qu’il abroge toutes les mesures de droite qu’il a mises en place – car rappelons qu’il est encore au pouvoir – soit tout cela n’est qu’une immense mascarade, un ensemble de faux enjeux montés en épingle par des journalistes avides de combats de coqs et des citoyens aisés et diplômés qui ne rêvent que d’une chose : continuer à pouvoir voter PS en toute bonne conscience. Car nos concitoyens des classes supérieures adooorent voter PS, parce que c’est le seul parti qui permet d’aimer les pauvres tout en continuant à favoriser les riches et d’exalter les droits de l’homme en plein état d’urgence.

Les primaires : théâtre de fausse opposition mais meilleures agences de com’

Quelques mois après les primaires de droite, le porte-parole de François Fillon, Benoist Apparu, avait eu le mérite de nous éclairer sur le caractère théâtral du système des primaires. Interrogé sur France Inter au sujet de son passage de porte-parole d’Alain Juppé à porte-parole du vainqueur, pourtant son féroce rival, Apparu répondait avec le flegme du politicien rodé : “Ce n’est pas compliqué car il n’y a pas de schisme à droite ; on a 80% de points d’accord”. Pourtant, à l’époque du scrutin, tous les commentateurs s’emballaient sur ses enjeux décisifs, choisir entre le gentil technocrate Alain Juppé, si doux et rassurant, et le méchant François Fillon, catholique et ultra-libéral ! Lors de la victoire du second, le monde journalistique et les habitués de Twitter vivaient un cataclysme digne de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump !

À tort : ce qu’Apparu nous rappelle avec cynisme c’est qu’un parti reste un parti, contrairement à ce que la théâtralité des primaires veut nous faire croire : à la fin, on se réconcilie tous et on se félicite des millions d’euros amassés, du temps de parole médiatique accumulé, et on se rassemble pour mettre en place la prochaine opération de destruction méthodique et enjouée des conquis sociaux du mouvement ouvrier, que Républicains comme Socialistes s’emploient à enterrer pour contenter l’élite économique dont ils font partie. La primaire n’est qu’une nouvelle façon de nous intéresser à cette fausse alternance, le moyen de re-socialiser le Parti Socialiste qui cherche à réaffirmer son hégémonie de plus en plus contestée sur la gauche en convoquant tous ses satellites puis en appelant au “rassemblement” c’est-à-dire à la soumission. Hamon en est le nouveau produit, plus frais et moins périmé que le précédent : pas plus “très à gauche”, qu’“utopiste”, seulement et désespérément socialiste.